Les Carpates, qui s'étendent en demi-arc autour de la Hongrie, de la Moravie jusqu'à la Transylvanie, forment un mur frontalier naturel qui sépare les terres de la Sainte Couronne de la plate Galicie. Une telle frontière, de par sa nature, peut très facilement se transformer en une forteresse imprenable capable de repousser puissamment toute tentative d’invasion ennemie.
Dans les Carpates aussi, les Russes tombèrent dans le piège tendu par les Autrichiens. Après que les troupes russes eurent inondé la Galicie, leurs avant-postes étaient déjà apparus dans les vallées forestières des Carpates, avaient envahi les Cosaques par un col et occupé un certain nombre de villages dans les comtés hongrois de Marmaros-Sziget, Saros et Bereg. Bientôt, ces avant-postes furent suivis par des unités de troupes plus importantes, comprenant de l'artillerie de campagne et des transports de munitions, ce qui suggérait que les Russes prévoyaient une avancée puissante depuis le nord de la Hongrie afin d'attaquer à tout prix les Autrichiens par l'arrière et éventuellement d'entrer en contact avec les Serbes en difficulté dans le sud. Mais les Cosaques avaient à peine fait boire leurs chevaux hirsutes dans les eaux de la Tisza qu'ils furent attaqués par les troupes impériales et royales et chassés de Hongrie avec de lourdes pertes. Ils ne se laissèrent cependant pas décourager par ce premier succès et, peu après le second encerclement de Przemysl, se sentant protégés par l'arrière, ils osèrent une nouvelle invasion des Carpates. Et une fois de plus, ils furent autorisés à traverser les cols de Bukla et de Uzsoker er jusqu'à Marmaros et Zemplin. Alors que les Russes s'étaient plutôt bien comportés lors de leur première incursion en Hongrie et ne s'étaient permis aucun abus ni cruauté, ils agissaient désormais de manière plus barbare et sauvage, car la population ne voulait rien avoir à faire avec ces étrangers et préférait la domination austro-hongroise à la domination russe.
Pendant ce temps, les troupes austro-hongroises se rassemblaient pour une contre-attaque vigoureuse. Familiers avec le terrain accidenté depuis l'enfance, les troupes hongroises Honved occupaient les étroits chemins creux et les vallées forestières. Les chasseurs impériaux tyroliens, descendants originels des braves compagnons du Sandwirt de Passiria, qui vainquirent autrefois les gardes françaises sur le Feldberg, se retranchèrent sur les hauteurs des cols et positionnèrent leur artillerie de montagne sur toutes les monts dominant la plaine et la vallée. L'infanterie bosniaque, les fils sauvages de la Force, qui ici aussi en Hongrie marchent sous le double aigle (allemand et autrichien) contre leurs ennemis, et les jeunes fusiliers polonais, qui ont si souvent fait preuve d'héroïsme et de sacrifice, tuaient à la baïonnette dans une tranchée après l'autre les fusiliers russes, faisaient de nombreux prisonniers et s'emparaient d'une grande quantité de munitions, d'artillerie et de moyens de transport qui furent abandonnés par eux et qui fuyaient vers les cols dans une débandade sauvage.
Là, le combat prit peu à peu le caractère d'une bataille d'artillerie de montagne, qui se divisa en petites escarmouches, au cours desquelles les Russes, qui ne disposaient pas de telle artillerie appropriée et n'étaient pas habitués à combattre dans les forêts et les ravins, subirent à chaque fois des pertes considérables. La bataille la plus féroce eut lieu pour la ville d'Homonna, que les Russes tenaient depuis les hauteurs du col de Barko qu'ils occupaient, jusqu'à ce qu'après trois jours de combats acharnés, ils soient contraints de se retirer en Galicie, laissant derrière eux de nombreux prisonniers, morts et blessés.
Source : Illustrierte Geschichte des Weltkrieges 1914
Traduit de l'allemand par Cl. He.