L'ordre de retraite générale a été donné dans la nuit du 24 août à 0 H 45.
Par une note aux armées, Joffre a substitué au règlement en vigueur des instructions précises tirées des leçons cruelles du premier choc. Le 25, dans une instruction générale, il développe auprès du plan de retraite son nouveau plan de bataille : "Les opérations seront réglées de manière à reconstituer à notre gauche une masse capable de reprendre l'offensive".
Cette manoeuvre hardie du généralissime, l'armée ne la comprend d'abord pas. Il ne lui semble pas que ses pertes justifient une telle retraite. Pendant douze jours, au milieu des pires fatigues, elle marche vers le sud. Enfin éclate le fameux message du 9 septembre : "En avant ! à la baïonnette ! " Galvanisée par l'appel de son chef et comme ressuscitée, elle se retourne tout entière contre l'envahisseur, d'un seul élan.
Cet ordre du jour de la Marne demeurera une date dans l'histoire. La IV° Armée, celle du général Langle du Cary, le transmit immédiatement comme il était prescrit "à tous, jusque sur le front". Il avait été lancé à Bar-sur-Aube le 1er septembre où Joffre avait porté son quartier général.
Prenant notre retraite pour une déroute irrémédiable, l'ennemi avait précipité sa marche en avant avec une confiance orgueilleuse et imprudente. Dans le Nord, il avait traversé le 28 août, sans coup férir, Lille que les généraux Percin et Herment , après l'avoir réarmée en deux jours, avaient dû évacuer par ordre.
Le 26, il avait pris Longwy et refoulé les Anglais à Cambrai. Le 27, les Allemands étaient arrivés devant Maubeuge où ils sont entrés le 6 septembre. Cependant von Kluck n'avait cessé de pousser sur Paris son infanterie à l'allure exténuante de 45 kilomètres par jour. Il ignorait le transport sur la Somme, puis le repli méthodique en avant de Paris de l'armée de Maunoury, amenée de Lorraine depuis le 27 août et grossie d'éléments prélevés sur l'armée d'Alsace. Il ne se doutait pas davantage de la formation, dans la région de Sézanne, d'une armée nouvelle sous les ordres de Foch. Afin d'en finir avec nos forces, qu'il pensait en pleine débâcle, il s'était, le 3 septembre, détourné de Paris, qu'il laissait à sa droite et avait obliqué vers le sud-est. Il voulait porter à notre armée le coup décisif. Il aurait, ensuite, tout le temps de se retourner contre la capitale sans défense.
Mais il avait découvert son flanc. Gallieni, en accord avec Joffre, y poussa Maunoury.