Ce n'est pas la première fois que le Sundgau, densément peuplé et paisible, où nos braves troupes ont arrêté et repoussé l'invasion romaine, est traversé par de grandes masses de guerre.
Mulhouse, riche en industrie et autrefois fortement fortifiée, aujourd'hui deuxième plus grande ville des terres impériales, fut âprement disputée par la noblesse de Haute-Alsace, notamment lors de la dénommée « Sechsplappartkriege » (guerre des Six) de 1466. La riche ville industrielle de Cernay, située à l'ouest et bastion occidental d'où nos troupes chassèrent les Français vers le sud, fut également le théâtre de nombreuses batailles acharnées qui méritent d'être mentionnes : celle décisive entre César et le roi Arioviste (58 après J.-C.) qui fut remarquable et la bataille victorieuse du célèbre général de cavalerie de la guerre de Trente Ans, Bernhard von Weimar, en 1635 contre les troupes lorraines du duc Charles sur le légendaire « Ochsenfeld » (champ aux bœufs).
Cette plaine, qui s'étend au sud de Cernay jusqu'à la forêt de Nonnenbruch, aura également joué un rôle important dans la bataille actuelle (1914). Au cœur de cette plaine, à l'est de la forêt de Nonnenbruch, sur la rivière Doller, se trouve le monastère trappiste d'Ölenberg, largement connu pour ses vastes exploitations agricoles, son élevage bovin exemplaire et la production du célèbre « fromage du monastère ». L'ouragan de la bataille a également fait rage sur les communes voisines de Lutterbach et Reiningue, ainsi que sur Dornach, la banlieue industrielle de Mulhouse. Il n’est pas encore possible de déterminer à quel point ces lieux et leurs habitants travailleurs ont souffert. Oui, c'est une terre fertile qui s'étend entre Cernay, Mulhouse et Altkirch au sud, sur le terrain vallonné de laquelle on cultive beaucoup de blé, sur les pentes ensoleillées des Vosges poussent de belles vignes et dont l'élevage des bêtes, les légumes et la culture de la pomme de terre sont bien connus.
De nombreux villages densément peuplés, qui ont toujours abrité une population alémanique, prospère et de bonne humeur, sont disséminés dans tout le Sundgau. Ils ont tous subi plus ou moins de dommages à cause de l’invasion précipitée des Français ; leurs champs fertiles sont saturés de sang allemand. Alors que l'agriculture prédomine dans les campagnes, l'industrie, notamment textile, a prospéré dans les villes, et les filatures et tissages de coton et de laine de Mulhouse ont répandu leurs produits dans le monde entier.
Le chemin de fer de Mulhouse à Belfort traverse d'abord la large vallée jusqu'à Altkirch, l'ancienne capitale du Sundgau avec environ 3 500 habitants. L'avancée française s'est d'abord arrêtée dans cette ville, et les ravages que la guerre a infligés à cette cité florissante et à ses champs sont immenses. Derrière Altkirch, la voie ferrée quitte la vallée de l'Ill, franchit un haut viaduc jusqu'à Dannemarie et traverse la Largue, affluent de l'Ill. Derrière la ville, la voie ferrée traverse la vallée de la Largue et le canal du Rhône au Rhin et tourne vers la gare frontière allemande de Montreux-Vieux.
En face, à 14 km, se trouve la "trouée de Belfort" et plus loin la puissante forteresse de cette ville sur la Savoureuse, protégée par la Porte des Nations, qui fut disputée dans l'histoire et par laquelle une puissante armée française croyait pouvoir envahir sans encombre nos terres impériales. Mais les batailles d’Altkirch et de Mulhouse leur ont appris quelque chose de différent. Leurs forces furent chassées du Sundgau avec de lourdes pertes.
La fière Belfort, qui a résisté à tant de sièges jusqu'à présent, est dominée par la citadelle puissamment fortifiée, le "Rocher de Belfort", sur la pente abrupte de laquelle un lion a été sculpté en souvenir de la dernière et courageuse défense en 1871. Près de Montreux-Vieux, les Vosges descendent abruptement vers le sud. Le sentier nous emmène dans la vallée de la Doller allemande jusqu'au Ballon d'Alsace (1245 m). De son large dos on peut voir la belle vallée de la Savoureuse jusqu'au fort de Giromagny, Belfort et la fertile Franche-Comté. Au nord-ouest, s'étend le tout proche Ballon de Servance (1189 m), son sommet couronné d'un petit fort. Une belle randonnée sur les crêtes nous mène d'ici au Bärenkopf (1073 m) côté allemand, avec une large vue sur le fort du Ballon de Servance, le Ballon d'Alsace et Belfort. La crête allemande des Vosges du Sud revêt une grande importance stratégique en raison de sa situation favorable, qui deviendra probablement plus évidente au cours de la guerre.
Source : Der Krieg, Illustrierte Chronik des Krieges
Traduit de l'allemand par Cl. He.