Un officier demande de lui envoyer un vocabulaire militaire et sans façon pour interpeller les Allemands de tranchée à tranchée.
Il n'y a pour cela qu'à reproduire les plus intéressantes de ces expressions familières et énergiques qui sont connues dans toute l'Allemagne sous le nom de "Kasernhofblüthe" (fleurs de cours de caserne) et que les sous-officiers allemands emploient du matin au soir quand ils adressent la parole à leurs subordonnés.
D'abord, celle qu'ils ont toujours à la bouche, le mot "Mensch" qui signifie homme dans le sens le plus dénigrant qu'on puisse imaginer. "Mensch", cela veut dire, à proprement parler, un être vague et nauséabond, qui n'est même pas caporal ou brigadier. Si vous leur criez Mensch aux Boches, vous verrez surgir automatiquement un grand nombre au-dessus des tranchées.
Puis vient toute la série des noms d'animaux. Les plus usuels sont Esel (âne), Rindvieh (bétail de boeuf) prononcez Rinndfie, Kamel (chameau), Maulwurf (maolvourf) : taupe et surtout Schwein (prononcez schwaïnn) qui se compose avec de nombreux substantifs pour former les mots, exquis de : Scweinkopf (tête de cochon), Schweinpelz (peau de cochon), Scweinhund (chien de cochon), etc..Avec une légère teinture d'allemand, on peut créer de ces dérivés tant qu'on en a besoin.
Le rhinocéros (Rhinotzeross) figure aussi, en grand honneur au nombre de ces bêtes diverses de "cour de caserne".
Les sous-officiers allemands traitent en outre leurs hommes très volontiers de : Flegel (flégue'l) : brute; Laufsbub (laosboub) : garçon à vermine; Verfluchtes As (ferflourteuss as) : charogne maudite; Verdammtes Luder (loudr) : canaille damnée; Waschtappen : torchon à laver; Toelpel : idiot, tout simplement; Dickschaedel (crâne épais) ; Hohlschaedel (crâne creux); Lümmel : chenapan; Hundsfott (houndsfott) : crotte de chien; Loupenpack, du, verdammtes ! : paquet de chiffons, toi, damné !
Dans les circonstances présentes on serait même autorisé à compléter cette liste par quelques expressions infamantes, telles que : Dieb (dib) : voleur; Moerder (meurd'r) : assassin et Mordbrenner (incendiaire), dont l'emploi ne serait vraiment que trop justifié.
Ces derniers qualificatifs, ne seront ps, sans doute, pour réjouir le coeur des boches. Ils vous insulteront à leur tour, mais vous leur riposterez en leur criant : Maul zou ! (la bouche !) Et si en prononçant d'une façon convenable (le mieux pour la prononciation serait d'avoir un Alsacien dans chaque tranchée), vous les appelez flegel, lausbub ou rhinotzeross, vous leur ferez sûrement plaisir: ils se croiront chez eux.
Source : Bulletin des Armées de la République, 31 octobre 1914